Forum de l’eau et de la Biodiversité, de l’importance de la sobriété en eau : des initiatives concrètes pour répondre aux défis territoriaux | AESN
Avec le changement climatique et la pression croissante sur les ressources hydriques, la sobriété en eau devient un enjeu incontournable. Lors d’une table ronde organisée par l’Agence de l’eau Seine-Normandie, des experts issus de l’agriculture, de l’industrie et des collectivités ont partagé leurs solutions innovantes et collaboratives pour relever ce défi. C’est grâce au format des tables rondes que ces différents acteurs ont pu échanger sur leurs retours d’expérience, expliciter leurs besoins et faire le point sur les directions à prendre pour les projets de gestion de l’eau dans leurs territoires.
Le défi de l’eau en agriculture : le cas de la Manche
Pascal Ferret, président de la Chambre d’agriculture de la Manche, a mis en lumière la vulnérabilité des exploitations agricoles face à la contraction de la ressource en eau. Dans ce département rural, les 700 000 bovins consomment jusqu’à 90 litres d’eau par jour en temps normal, chiffre pouvant grimper à 130 litres en période de forte chaleur.
Cette forte demande entre souvent en concurrence avec l’approvisionnement en eau potable des ménages. « À 7h et 19h, au pic de consommation humaine, c’est aussi le moment où mes vaches ont besoin d’être abreuvées », illustre Pascal Ferret.
Pour répondre à ces défis, plusieurs actions sont en cours :
- Stockage déporté : Création de réservoirs capables de fournir de l’eau aux exploitations lors des périodes critiques.
- Concertation territoriale : Mise en place de dialogues réguliers entre agriculteurs, collectivités et gestionnaires d’eau pour anticiper les besoins et partager équitablement la ressource.
- Optimisation des usages : Encouragement de l’utilisation d’eau brute ou recyclée pour limiter le recours à l’eau potable.
« Il est essentiel de comprendre que la gestion durable de l’eau est une responsabilité collective », souligne Pascal Ferret, appelant à une coordination renforcée entre les acteurs.
L’industrie face au défi de l’autonomie hydrique : l’exemple de Cristal Union
L’industrie, grande consommatrice d’eau, est également au cœur de cette transition. Pascal Hamon, directeur industriel du groupe sucrier Cristal Union, a présenté l’évolution impressionnante de leur gestion de l’eau.
« Pour extraire du sucre de la betterave, il faut beaucoup d’eau. Mais nous avons compris il y a 20 ans qu’il fallait réinventer nos processus, car l’eau pourrait devenir une contrainte majeure », explique-t-il.
Grâce à un investissement continu, Cristal Union est passé de 9,5 millions de m³ d’eau prélevés en 2009 à moins de 3 millions en 2023. Parmi les solutions adoptées :
- Recyclage interne : Les eaux issues des betteraves sont désormais nettoyées et réutilisées plusieurs fois au cours du processus de production.
- Stockage optimisé : Chaque site dispose de bassins permettant de récupérer l’eau excédentaire pendant la campagne de production (septembre à janvier) pour l’utiliser le reste de l’année, notamment dans les distilleries.
- Technologies d’épuration : Cristal Union a mis en place des systèmes de décantation et d’épuration biologique, comme sur le site de Bazincourt, permettant de réutiliser l’eau de lavage des betteraves.
« D’ici 2025, toutes nos sucreries françaises seront autonomes en eau. C’est un enjeu stratégique autant qu’écologique », précise Pascal Hamon.
Une vision partagée pour 2030
Nathalie Hévin-Bousquet, représentant l’Agence de l’eau Seine-Normandie, a rappelé les objectifs fixés pour le territoire : une réduction de 10 % des prélèvements d’ici 2030, conformément aux engagements nationaux.
« Chaque acteur a un rôle à jouer, mais c’est en collaborant que nous pourrons réussir. Cette table ronde en est une parfaite illustration, avec des exemples concrets issus de secteurs aussi différents que complémentaires », explique-t-elle.
Elle a également insisté sur l’importance d’investir dans des infrastructures adaptées (réseaux d’eau, bassins de rétention) et d’encourager les innovations technologiques pour atteindre ces objectifs.
Vers une sobriété durable : une responsabilité collective
Cette table ronde a permis de montrer que sobriété ne rime pas avec sacrifice, mais avec innovation, concertation et gestion stratégique. Qu’il s’agisse d’éleveurs de la Manche ou de sucreries industrielles, les solutions mises en œuvre témoignent d’une capacité d’adaptation face aux défis de notre époque.
Ces témoignages rappellent que l’eau, ressource précieuse et vitale, nécessite une gestion proactive et solidaire. Les exemples partagés lors de cet échange montrent la voie pour construire une transition hydrique réussie, répondant aux besoins des générations présentes et futures.