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L’architecture du financement public de la filière

Interview[1] d’Alain Griot, sous-directeur de l’innovation à la DRI du CGDD et président du Groupe de travail innovation du COSEI. Ses écrits font références et il est le spécialiste du financement public de l’innovation dans les filières vertes.
 
PEXE : Vous réalisez régulièrement un panorama sur le financement public de l’innovation dans les filières vertes, comment caractériseriez-vous l’architecture globale de l’offre publique nationale de financement à destination de l’innovation dans la filière ?
A.G. : Globalement, on peut affirmer que le financement de l’innovation dans les filières vertes, qui s’est élevé, en moyenne sur les 5 dernières années à 320 millions d’euros, est aujourd’hui satisfaisant, que ce soit en ce qui concerne les phases amont du processus d’innovation ou des phases plus proches de la mise sur le marché, comme les démonstrateurs industriels par exemple. Depuis quelques années, les procédures se sont affinées, de nouveaux outils ont vu le jour, comme ceux du programme des investissements d’avenir. Aujourd’hui, l’ensemble des instruments développés par l’Etat et ses opérateurs répond bien, me semble-t-il, à la demande des opérateurs économiques. Certes, certains secteurs peuvent apparaitre comme moins favorisés, ne bénéficiant pas d’appels à projets spécifiques comme ceux dont peuvent bénéficier aujourd’hui les projets liés à la transition énergétique par exemple. Mais, lorsque l’on regarde les statistiques sur les 3 dernières années, des secteurs comme l’eau ou la métrologie environnementale  par exemple se situent dans les premiers secteurs bénéficiaires. Ainsi, si en 2009, ces deux secteurs ne représentaient, à eux deux, que 5,2% des financements globaux de la filière, ils en représentaient 10% en 2010 et 10,2% en 2011, et ceci sans outil spécifique de financement. Rôle des pôles de compétitivité, impact du travail collectif mené par la filière (notamment dans le cadre du COSEI, qualité des dossiers déposés, voilà me semble-t-il les clés du succès en matière de financement de l’innovation.
PEXE : Quels sont les principaux dispositifs de soutien et comment les distinguer lorsqu’on est une éco-entreprise ?
A.G. : Comme tout le monde a pu s’en apercevoir, les dispositifs de soutien sont nombreux, que ce soit au niveau communautaire ou au niveau national.
Au niveau communautaire, le programme Horizon 2020, nouveau programme cadre de recherche et de développement technologique, qui met aujourd’hui l’accent  sur l’innovation et les PME, donc la prise en compte de la valorisation économique des résultats de la recherche,  offre aux acteurs de l’éco-innovation, par une structuration autour d’enjeux de sociétés, une opportunité rare d’élargir leur champ d’action et de montrer le caractère transverse de leurs technologies. Les régions ont par ailleurs défini, en 2013, leur positionnement au titre de la stratégie de spécialisation intelligente et pourront mettre en avant des projets  portés par les entreprises régionales et, pour celles qui ont fait le choix, en accord avec les écosystèmes régionaux, de mettre en avant les technologies vertes, des projets portés par des entreprises des filières vertes.
Les financements génériques relèvent quant à eux de logiques propres aux opérateurs chargés par l’Etat de les mettre en œuvre. Appel à projet unique de l’ANR, centré autour d’un certain nombre de priorités, pour les projets les plus amonts, mais avec un accent mis sur les partenariats entre laboratoires et acteurs économiques,  financement au fil de l’eau  pour les projets industriels dans le cadre de la procédure d’aide à l’innovation de Bpifrance sont les deux principaux outils génériques à disposition des entreprises et des acteurs de filières vertes.
Les outils liés à la labellisation par les pôles de compétitivité ont montré leur intérêt, puisqu’aujourd’hui, plus de 30 % des financements de projets au titre du FUI sont affectés à des projets relevant des transitions écologiques et énergétiques, malgré la concurrence vive avec des projets issus d’autres secteurs technologiques.
Enfin, le programme des investissements d’avenir a souhaité mettre l’accent sur un certain nombre de secteurs clés comme le montrent les quatre programmes confiés à l’ADEME : démonstrateurs en énergie décarbonée et chimie verte, économie circulaire, véhicule du futur, réseaux électriques intelligents, secteurs pour lesquels 147 projets ont été à ce jour sélectionnés. Mais le PIA agit aussi sur la structuration de filières par l’innovation, dans le cadre des projets structurants des pôles de compétitivité  (PSPC)  ou le financement de l’industrialisation des produits ou procédés issus de projets de recherche collaborative, avec la mise en place récente des prêts à l’industrialisation des projets collaboratifs (PIPC), pour lesquels, notamment, 300 millions d’euros ont été réservés, au titre du PIA2,
Devant l’ensemble de ces outils, on peut comprendre l’éventuelle perplexité d’une PME, et sa difficulté à décrypter les différences d’approche d’une procédure à l’autre. C’est pour cela que d’une part, une réflexion sur la simplification a été engagée  dans le cadre du groupe innovation du COSEI, d’autre part, il  nous semble que les entreprises ne devraient pas hésiter à se rapprocher des acteurs locaux, notamment de l’administration au niveau régional, pour analyser les meilleures portes d’accès à ces différentes modalités de financement.
PEXE : Les Pôles de compétitivité ont reçu une nouvelle feuille de route pour la période 2013 – 2018, notamment en ce qui concerne l’accompagnement des PME dans la recherche de financement. Les Pôles de compétitivité vont-ils devenir un relais incontournable pour le financement de l’innovation dans la filière ?
A.G. : Les pôles remplissent aujourd’hui un rôle essentiel dans le processus d’innovation, en aidant à l’émergence des projets de recherche et d’innovation, en mettant en relation acteurs académiques et industriels, mais également en accompagnant les porteurs de projets dans la phase d’émergence des projets. C’est d’ailleurs le sens de la phase 3 des pôles de compétitivité, qui court jusqu’en 2018, de renforcer les missions des pôles en matière d’accompagnement des entreprises appartenant à leur écosystème. C’est en ce sens également que chaque pôle a défini, conjointement avec ses adhérents, et a fait valider par la puissance publique, dans le cadre de la signature des contrats de performance, une feuille de route et un plan d’action qui mettent notamment l’accent sur l’accompagnement des entreprises et le suivi des projets d’innovation. De fait, la maitrise de  l’ingénierie financière des projets est un élément capital que les pôles peuvent apporter à leurs adhérents, et notamment bien évidemment les PME. Il est rare, aujourd’hui, et notamment dans le cadre de la politique des pôles, qu’un projet reçoive son financement d’un seul financeur ; ainsi, pour mémoire,  sur les projets retenus et financés dans le cadre du FUI, de l’ordre de 60% du financement est apporté effectivement par l’Etat via le fonds unique interministériel, les 40% restant relevant de financeurs multiples au niveau des collectivités locales (les régions étant bien entendu largement majoritaires). Devant cette complexité, les commissions des financeurs des pôles de compétitivité, qui réunissent le pôle, les services déconcentrés de l’Etat, les représentants locaux des opérateurs de l’état et les collectivités territoriales, doivent permettre d’accompagner les entreprises et leurs projets afin de naviguer au milieu de toutes les procédures.
Mais il ne faut pas non plus donner aux pôles des responsabilités qu’ils n’ont pas à assumer, du moins individuellement. De par leur construction (concentration de lieu, concentration de thématiques), les pôles travaillent avec des écosystèmes bien définis, constitués en premier lieu de leurs adhérents. Même si  leurs responsabilités ont été quelques peu élargies dans le cadre de la phase 3, ils n’ont pas vocation à une universalité. Incontournables, ils le sont certainement, mais dans le cadre de la compétence géographique et thématique qui leur a été reconnue par l’Etat, dans le cadre de leur labellisation initiale, puis de leurs différents contrats de performance.
 

 
[1] Interview parue dans le Guide de financement des éco-entreprises PEXE 2014

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